Colline Lapina

Colline Lapina
CHEF DE PROJET NUMERIQUE RESONSABLE HARDIS GROUP

Mickael Chabert

Mickaël Chabert
CONSULTANT ASSURANCE HARDIS GROUP

RAISON D’ÊTRE DE L’A11Y

  • L’accessibilité numérique, accessibility en anglais ou A11Y pour les intimes (où le chiffre 11 représente le nombre de lettres entre le « A » et le « Y ») est une composante majeure du numérique responsable. Elle vise à rendre possible l’accès à l’information et aux services numériques aux personnes en situation de handicap, quelle que soit la nature de celui-ci et le support du contenu. En France, 12 millions de personnes (soit 20% de la population) vivent avec une ou plusieurs déficiences (auditive, cognitive, motrice, visuelle, etc.), nous sommes face à une réelle urgence de rendre accessible nos services numériques.Cette démarche s’intègre dans l’amélioration continue du numérique responsable visant à réduire l’empreinte écologique, économique et sociale des technologies de l’information et de la communication. Ses enjeux sont nombreux :
  • Proposer une expérience utilisateur inclusive (qui inclue tout le monde)
  • Permettre l’accès à l’information et aux services numériques à tou.s.tes
  • Favoriser le recrutement et le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap
  • Suivre et anticiper les contraintes réglementaires
  • Contribuer à la réputation et développer la marque employeur
  • Améliorer l’adhésion des utilisateurs

INCLUSIVITÉ ET ERGONOMIE : DU MIEUX AU BÉNÉFICE DE TOU.S.TES

Tous les contenus numériques sont concernés par cette démarche : site internet, logiciel, mobile, vidéo, télévision, e-learning, document bureautique, etc. C’est une conception d’universalité où les supports de l’information ne doivent pas être démultipliés. Contrairement aux idées reçues, un site accessible est plus transparentet intuitif pour ses utilisateurs, les gains en termes de fluidité et d’expérience utilisateur sont réels et universels.

LE HANDICAP, AUSSI UNE QUESTION DE SITUATION

Un handicap se définit comme toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. Il n’est pas lié à une personne, mais il est lié à une situation.

Exemple : lors d’un repas avec une tablée de personnes voyantes et aveugles, une coupure d’électricité ne serait pas un problème pour les personnes aveugles. La population voyante sera alors considérée comme en situation de handicap alors que la seconde sera in fine non impactée. L’objectif de l’accessibilité numérique n’est pas de guérir les déficiences mais de trouver des solutions pour s’y adapter.

CHIFFRES CLÉS POUR LA FRANCE

20%
de la population
vit avec une ou plusieurs déficiences
(cela peut aller jusqu’à 40% avec les
handicaps temporaires)

80%
des handicaps sont invisibles

1 personne sur 2
rencontre une situation de handicap
au cours de sa vie professionnelle

8%
des hommes sont daltoniens
(et 0,5% des femmes)

WCAG ET RGAA, KÉSAKO ?

Les Web Content Accessiblity Guidelines (WCAG) sont les standards internationaux d’accessibilité numérique développés par World Wide Web Consortium (le W3C, un organisme de normalisation chargé de promouvoir la compatibilité des technologies). Le Référentiel Général pour l’Amélioration de l’Accessibilité (RGAA) est un référentiel national pour la France conforme aux WCAG. Il permet d’évaluer le taux de conformité, calculé à partir du nombre de critères RGAA respectés sur les 106 critères du référentiel. Suivant le pourcentage d’accessibilité, le service numérique est déclaré :

Illustration RGAA

LES 10 CRITÈRES POUR SE LANCER

Parmi les 106 critères du RGAA, nous en avons sélectionné 10 comme premières étapes pour rendre accessibles les services numériques : RGAA 1.1, 3.1, 3.2, 4.3, 6.2, 8.5, 10.4, 10.7, 12.7 et 12.8. Ils portent sur les thématiques suivantes : images, couleurs, multimédia, présentation de l’information, navigation, etc. Pour les retrouver, vous pouvez vous rendre sur le site RGAA du gouvernement

À titre d’exemple, prenons le RGAA 1.1 :
« Chaque image porteuse d’information a-t-elle une alternative textuelle ? ».

Une image porteuse d’information communique des éléments importants à l’utilisateur pour comprendre le contenu de la page (à l’inverse d’une image décorative). Il faut donc donner une description de cette image aux personnes qui ne peuvent pas la voir. Grâce à un texte alternatif, les personnes qui utilisent des lecteurs d’écran ont ainsi accès au même degré d’information que les autres. À la place de lire « image », le lecteur d’écran lira « image de 4 mains créant une assise symbolisant la stabilité et l’inclusion.

LE CADRE LÉGAL

  • Loi du 8 août 2016 (article 56) :
    Mise à jour en août 2019 de l’article L5213-6 du code du travail rendant obligatoire à tous les employeurs la mise à disposition de contenus numériques accessibles à leurs salariés,
  • Loi du 11 février 2005 (article 47) :
    Obligation de rendre accessibles les contenus numériques conformément au RGAA pour le service public et les grandes entreprises privées dont le chiffre d’affaires est d’au moins 250 millions d’euros. Article mis à jour par la loi de 2018. Le décret d’application du 24 juillet 2019 est en vigueur depuis septembre 2019,
  • La directive européenne du 17 avril 2019 a été récemment transposée dans le droit français et élargit ces obligations aux secteurs des médias, du transport, du secteur bancaire et du e-commerce. Son application débutera à partir de juin 2025.

LES OBLIGATIONS EN RÉSUMÉ

Les entités soumises à obligations sont :

  • Les organismes publics
  • Les organismes délégataires d’une mission de service public
  • Les personnes morales de droit privé à but non lucratif (notamment les associations de loi 1901) ayant une mission d’intérêt général et proposant des services essentiels au public ou des services pour les personnes handicapées
  • Les entreprises privées dont le chiffre d’affaires (réalisé en France) est d’au moins 250 millions d’euros

Ces entités doivent :

  • Rendre accessibles leurs contenus numériques pour être conforme au RGAA
  • Publier une déclaration d’accessibilité détaillant leur niveau d’accessibilité, schéma pluriannuel, et plan d’action annuel. En cas de non publication de leur déclaration, les sanctions peuvent aller de 2 000€ à 20 000€
  • Sensibiliser et former les équipes concernées

Les sanctions administratives sont relativement faibles et peu incitatives mais des sanctions pénales peuvent être appliquées si les utilisateurs attaquent directement les services numériques qui ne sont pas accessibles. Certaines affaires de ce genre ont déjà été jugées, notamment aux États-Unis.

La réglementation encadre déjà l’application de l’accessibilité numérique et va se durcir au cours des prochaines années, anticiper et agir maintenant est donc nécessaire.

ACTIONS DES SECTEURS BANQUE ET ASSURANCE

Récemment, les secteurs de la banque et de l’assurance sont devenus actifs dans ce domaine et ont pris en main le sujet de l’accessibilité numérique.

La mise en œuvre de cette politique et les avancées des travaux menés sont notamment reprises et suivies dans le cadre de leurs politiques RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) ou au niveau de leurs engagements pour les groupes qui ont adopté le statut d’entreprise à mission comme La Poste. La généralisation des déclarations d’accessibilités, et notamment le détail des non- conformités identifiées suite aux audits RGAA menés, est maintenant observée sur la majorité des sites internet des grands groupes. Néanmoins, les taux de conformité au RGAA relevés sont très hétérogènes et de l’ordre de 40 à 95%. Dans le prolongement et plus globalement, de nombreuses associations ou représentants de personnes en situation de handicap continuent de soulever la problématique de l’accessibilité des supports numériques malgré la transformation maintenant généralisée vers des usages dématérialisés ; les marges de progression sont importantes.

Pour terminer, notons un évènement important dans le secteur bancaire qui confirme cette prise de conscience. Dans le cadre des travaux du Comité national des paiements scripturaux (CNPS), la Fédération bancaire française (FBF) a signé le 4 octobre 2022 une charte sur l’inclusion et l’accès des personnes en situation de handicap aux moyens de paiement. À ce titre, dix préconisations ont été élaborées pour l’ensemble des acteurs avec par exemple la mise en place de moyens de paiement (sites internet et applications) en particulier pour la vente à distance qui doivent intégrer des interfaces numériques perceptibles, utilisables, compréhensibles et robustes conformément au RGAA.

“L’objectif de l’accessibilité numérique n’est pas de guérir les déficiences mais de trouver des solutions pour s’y adapter.”

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